27/02/2019 - La clause nonobstant : d'un bon usage en matière d'immigration et de laïcité serait une avenue à explorer pour le Gouvernement du Québec.
06/03/20
Même si le gouvernement Trudeau a créé Affaires mondiales Canada, annonçant au monde sa position politique sur un ordre mondialiste gérant les affaires interétatiques, il arrive que les événements sur la scène mondiale puissent obliger les États à changer l'agenda programmé par des élites qui préféreraient un ordre mondialiste à un ordre internationaliste.
En effet, l'attaque des "Twins Towers" le 11 septembre 2001 a plongé le NOM dans sa première grave crise identitaire (ordre mondial ou pax americana ?), rappelons-le. Depuis, de nouveaux enjeux mondiaux viennent ralentir si non freiner la mondialisation des États et des marchés. Après 30 ans de mondialisation et de mondialisme, des événements comme les grands feux d'Australie et la COVID-19 remettent en question le mondialisme néolibéral (droite économique) appelé depuis le XXième siècle le "nouvel ordre mondial" (2). Ces deux événements illustrent comment de nouveaux enjeux mondiaux peuvent bouleverser l'agenda programmé d'un NOM. Il s'agit des enjeux écologique et sanitaire.
L'ENJEU ÉCOLOGIQUE
L'enjeu écologique est possiblement l'enjeu le plus évident puisque relayé tant par les mass media que par les programmes scolaires en vigueur dans les États de l'OCDE (3). Le phénomène occidental appelé "Greta Thundberg", héraut des mouvements écologistes et mondialistes et visage emblématique, interpelle les chefs d'État quant à leurs responsabilités sur la maîtrise de l'agenda du NOM en ce qui a trait aux différents accords environnementaux interétatiques et les promesses de réduction de l'empreinte carbone. Démontrant l'immaturité des chefs d'État par l'absurde, Greta Thundberg appelle les enfants de la Terre à se mobiliser envers leurs parents consuméristes et les divers décideurs formant l'élite mondialiste.
Dans la foulée des appels à la mobilisation planétaire des enfants chaque vendredi par Greta Thundberg, tous ont vu sur le web les images des koalas et kangourous fuyant les feux, les secouristes faisant le maximum avec peu de moyens pour les sauver. Les grands feux d'Australie ont sonné le glas de l'insignifiance consumériste "sans impact sur la nature" et sont venus s'ajouter aux images des mers de plastiques, même un "continent" de plastique partagées sur le web depuis une dizaine d'années... Demeurant fidèle à ses croyances idéologiques, le premier ministre conservateur australien, au pouvoir au moment des grands feux, prônait toujours l'usage du charbon...
L'utopie économique néolibérale du NOM, en complet déphasage avec le réalisme écologique tragique, est devenue non seulement embarrassante pour les élites mondialistes mais surtout indécente. L'ordre "mass médiatique" mondial ne peut plus l'expliquer ni la justifier.
Utopie économique déphasée, le NOM nous révèle aussi ses limites politiques néolibérales quand il s'agit de faire respecter les accords environnementaux interétatiques. Le Canada peine à respecter ses signatures dans ces accords... Il devient difficile d'être légitime pour sermonner l'autoritarisme russe, par exemple, alors que le Canada s'engage économiquement avec la République populaire de Chine, un État totalitaire dit "communiste" qui a de nombreux "goulags" sur son sol et persécutent les croyants d'obédience diverse...
Pourtant, la Chine a fait place à des technologies "vertes", de plus en plus, dans son économie. Money talk ! Devons-nous comprendre ?
Et la Russie ? La Russie dépend grandement de ses richesses naturelles. C'est un État pollueur important en Europe mais justement, on ferme les yeux puisqu'exclue du NOM...
La quatrième économie planétaire, l'Allemagne, a besoin du gaz naturel russe pour rester dominante. Le président étatsunien, Donald Trump, avec raison, a soulevé la contradiction environnementale évidente avec la chancelière Angela Merckel. Le NOM et l'Union européenne s'avèrent des ordres d'État nations mondialistes impuissants pour régler de telles contradictions environnementales.
Si Vladimir Poutine et la Russie ont été exclus du NOM, l'OTAN voulant les contenir à l'Europe, le plus à l'est possible, et les sanctionner économiquement au maximum, malgré toutes ces punitions, force est d'admettre que la Russie est demeurée la deuxième puissance militaire du monde, s'impose de plus en plus en Arctique et démantèle année après année l'influence occidentale sur ses politiques économiques. L'exclusion de la Russie du NOM est un échec.
L'enjeu écologique mine le désir identitaire des États nations à poursuivre le projet mondialiste du NOM dans les structures et l'idéologie consensuelle en place. Plutôt, et l'élection de chefs d'État populistes le démontrant, les nations cherchent à retrouver un nouveau "système-monde" (4) qui proposerait la synthèse de l'économie "inter nationale" libre avec un développement durable planétaire. Les États ne cessent de se restructurer à coup de coupures et de réinvestissements, en réponse aux failles du NOM; en contrepartie les nations s'identifient moins qu'autrefois aux administrations publiques et plus à l'entrepreneuriat durable et écologiquement rentable.
Le frein écologique à la mondialisation est réel. L'enjeu écologique est en train de créer une brèche importante quant aux ambitions mondialistes des élites qui promeuvent (encore) le NOM.
Il s'agit d'une crise identitaire du mondialisme néolibéral. Le consensus à propos du néolibéralisme n'est plus. Ajoutons à la fin du consensus le repli identitaire grandissant des nations. Un repli qui fractionne l'interétatisme des accords environnementaux avec toute l'entropie qu'il génère dans les mécanismes de régulation du NOM (le parlement européen, l'ONU, les commissions diverses mandatées par les États nations etc.).
Si l'enjeu écologique déborde l'agenda programmé des élites mondialistes et fait dérailler l'ordre mondial dit "nouveau" (de moins en moins nouveau et de plus en plus conservateur observe t on), l'enjeu sanitaire va venir renforcer l'urgence climatique et le besoin d'un grand remplacement des élites. Cet enjeu, on le verra plus loin, vient mettre fin au projet utopiste néolibéral que porte le NOM dans sa légitimité à sécuriser les populations sur le plan de la santé publique.
Tout comme l'enjeu écologique, l'enjeu sanitaire donne le pouvoir véritable de la précaution à la communauté scientifique pour rallier les populations au discours de l'urgence d'agir "ici et maintenant". Là aussi, les politiciens s'excluent eux mêmes faute de crédibilité.
L'ENJEU SANITAIRE
Le phénomène migratoire (Amérique du Nord et Europe) suivant le "déboulonnement" de Saddam Hussein (Irak), Mouammar El Kadhafi (Libye) et les autres dictateurs tombés dans la foulée du printemps arabe, a mis en avant une autre limite atteinte par la mondialisation. Celle des conditions sanitaires de populations en mouvements.
Les camps de fortune des migrants et réfugiés tant en Europe qu'en Amérique du Nord exposent les risques d'infections et d'insalubrité rappelant les conditions sanitaires des grandes villes occidentales du XIXième et XXième siècle. Alors que le NOM favorise l'ouverture des frontières aux migrants, les États nations peinent à les accueillir dans les conditions sanitaires adéquates.
Que pose cette limite des conditions sanitaires au NOM ? En fait, elle pose celle des États nations occidentaux, qui sont les collectivités supposées être favorisées dans le NOM. Mais ne nous ne méprenons pas ! Avec évidence les limites nationales du "biopouvoir"(5), lorsqu'exposées aux flux migratoires inter nationales, renvoient aux électeurs et citoyens des États nations occidentaux les notes discordantes du NOM, qui n'étaient pas encore comprises jusqu'alors.
A la même période des flux migratoires apparaît à Wuhan en République populaire de Chine le virus appelé par les scientifiques la COVID-19. La République populaire de Chine, un régime totalitaire, est aussi la république qui a le plus profitée de la mondialisation des économies depuis 1990... Capitalisme d'État et contagion virale mondiale vont pactiser pour le meilleur et pour le pire de la mondialisation. La conscience mondialiste cède le pas à la prise de conscience pandémique qui échappe, rappelons le, au biopouvoir des États nations.
La conscience pandémique "contamine" l'idéologie consumériste et les voyages de masse à rabais (croisières de masse, vols aériens à prix économiques etc.). L'ère du nomadisme professionnel mondialisé est profondément affectée par la COVID-19; se déplacer pour le tourisme soulève maintenant une série de mesures sanitaires par les États nations qui ne tardent pas à nuire aux industries récréotouristiques occidentales.
Le frein sanitaire à la mondialisation est effectif tant sur les cours de la bourse que dans le quotidien vécu par les agents frontaliers. Il est devenu clair aux yeux des occidentaux que l'enjeu sanitaire est suffisant pour remettre en question la mobilité de masse des populations venus comme migrants, réfugiés ou nomades professionnels...
La crise cosmopolite du mondialisme néolibéral ne peut plus être cachée par les mass média; le discours médiatique révèle le conflit de classes sociales mondial selon un nouvel angle, celle de la migration des pauvres vers le nord vs le nomadisme "récréoprofessionnel" des riches vers le sud. Ce conflit de classes apparaît avec la limite des États nations à imposer des conditions sanitaires salubres pour tous...
La COVID-19 n'a été au fond que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase déjà rempli (attaque au gaz sarin, épidémie de rougeole, Ebola, SRAS, Influenza H1N1 etc.)
Si le mondialisme néolibéral tel que promu par les élites à l'origine du NOM semble ne plus faire consensus mais plutôt sème la division des élites et le repli identitaire des nations, qu'adviendra-t-il de l'ordre mondial et des organisations qui la promeuvent ?
A cette question, les enjeux écologiques et sanitaires nous invitent, après réflexion, à y répondre par une autre question.
VERS UN MONDIALISME INTERNATIONALISTE ?
Les mouvements nationalistes identitaires et l'élection de populistes par les citoyens occidentaux à la tête de puissances (USA & Angleterre) sont une réaction au cosmopolitisme du NOM. Le pari mondialiste qui consiste à uniformiser, standardiser et relativiser les rapports socioéconomiques, sans frontières, diminuant ainsi le pouvoir politique des États nations, est en voie d'être perdu par les élites mondialistes. La division des élites entre elles est aussi une réaction limite à la mondialisation.
Pourrait-on affirmer que le NOM est mort ? Mort, non. Mais la crise cosmopolite est suffisante pour mettre un terme au consensus planétaire néolibéral. Et la fin de ce consensus idéologique amène la fragmentation du concept d'"ordre mondial". Cette fragmentation est manifeste depuis 2016 avec l'élection de Donald Trump.
Le mondialisme néolibéral achève. L'ordre mondial apparu en 1989 vacille. Plutôt, nous assistons à l'émergence en occident d'une mobilisation citoyenne et nouvelle que je qualifie de "nationalitaire". Émergence aussi d'idées politiques post libertaires.
Si, autrefois, c'était l'idée centrale au cœur du mouvement communiste, le retour de l'internationalisme comme appel au ralliement des nations pour contrer le cosmopolitisme n'est pas un hasard de l'Histoire. En effet, le repli identitaire observé en France, au Québec, en Écosse, en Catalogne, en Allemagne ou en Russie, ce repli motive les élites nationales anti-cosmopolitistes à rechercher moins le contrôle des appareils d'État et davantage le réseautage "culturo-citoyen" des nations dont elles sont issues.
Une nouvelle idée internationaliste pour définir le mondialisme en crise est souhaitable. Pour une vision moins consensuelle mais plus hétérodoxe, le concept de l'"inter nation" appelle à un système-monde plutôt qu'un ordre mondial. Favoriser l'inter nation plutôt que l'État nation est pour les élites anticosmopolitistes, la voie de sortie de crise. Espère-t-on l'évitement de l'entropie dans ce nouveau système-monde.
CONCLUSION
Les enjeux nouveaux de l'écologie et de la salubrité sont perturbants pour l'ordre mondial. Ordre mondial et consensus se tassent au profit d'un système-monde et de l'hétérodoxie. Le frein anti-mondialiste apporté par ces enjeux nous donne l'occasion heureuse de revoir nos comportements consuméristes.
Toute crise est une opportunité; les grands feux d'Australie et la COVID-19 apportent des troubles, certes, ils apportent aussi l'opportunité de lire avec de nouvelles lunettes le mondialisme qu'on nous a vendu depuis 1989... Le consentement tacite des parlements occidentaux à la mondialisation des économies a permis à des pays du sud d'avoir une certaine prospérité. Mais ce consentement via des accords interétatiques l'est moins. On renégocie ces accords (l'ALENA devient l'ACEUM), même on assiste au divorce d'États nations avec les grands ensembles économiques (le brexit ou le référendum catalan réprimé par l'État espagnol).
J'ai voulu par ce texte présenter la question mondialiste sous l'angle d'enjeux entropiques pour un NOM déjà en crise de cosmopolitisme et fiévreux de populisme. Rappelons-nous que le changement apporte son lot d'incertitudes et de craintes.
Une Grande Transformation s'est achevée avec la mondialisation des marchés. Une nouvelle émerge avec la numérisation des idées et des cultures novatrices...
(1) Je réfère ici au concept de la "Grande Transformation" ou l'idée transformatrice de la logique économique occidentale au cœur de la modernité in Karl POLANYI, La Grande Transformation, 1944, USA, Farrar & Rinehart.
(2) James N. ROSENAU, "Le Nouvel ordre mondial: Forces sous-jacentes et résultats", Études internationales, volume 23, no.1, 1992, pp.9-35.
(3) OCDE: Organisation de Coopération et de Développement Économiques.
(4)Immanuel WALLERSTEIN, Comprendre le monde. Introduction à l'analyse des système-monde, 2006, Paris, La Découverte.
(5)Michel FOUCAULT, "La Volonté de savoir" in Histoire de la sexualité, tome 1, France, Gallimard, 1976.